Espace proche

Lorelei hausse les épaules.

"Ca me va."

Et Lorelei le suit de près, au moins aussi discrète que lui.
Alors qu'ils arrivent à proximité des hangars, une alarme aussi sonore que lumineuse s'accapare tous les couloirs, et l'on entend bien vite la voix du capitaine résonner dans tous les haut-parleurs:

"A tous les techniciens: sécurisez les hangars, fermeture des portes dans 50 secondes. Préparez-vous au dérèglement des appareils."

Il n'est pas difficile de sentir à ses vibrations que le vaisseau change de cap et amorce une probable descente, pourtant le bouclier semble toujours assez puissant pour amortir les tirs horusiens.

"A tous les pilotes: interdiction de quitter le Palmares jusqu'à nouvel ordre!"

Lorelei se rapproche de Ban. Tout autour d'eux, l'agitation semble s'être encore accentuée, et le regard de la jeune fille est tout aussi intrigué qu'inquiet.

Le pirate ne se démonte pas et envoie Lorelei dans son vaisseau, filant droit vers le gars qui s'occupe de diriger ce beau foutoir.

"Va lancer les moteurs, j'arrive !"

Une fois à portée de voix, il commence à héler le type.

"Hey, toi là ! Garde ça ouvert encore 20 secondes, on a du retard sur le départ. Quoi ? C'est quoi cette tête ? Si j'ai entendu le message du capitaine ? Mais bien sûr que je l'ai entendu le 'tit Max ! Mais ça s'applique pas à mon vaisseau, crétin ! Bah non ! Ooooooooh toi... Tu vas pas me faire de difficultés, hein ? Si ? Rhoh putain ! Alors écoute un peu, je suis pas un putain d'intrus, mais un connard qui est payé tout un tas de thunes pour se débarasser de ces connards d'Horusiens ! Franchement, il est où le problème que j'aille descendre du pigeon-garou, hein ? Nulle part ! Ecoute, petiot, si tu m'empêches de déconner, ça veut dire que ton joli petit capitaine va avoir payé une putain de fortune pour ma gueule et que j'aurai servi à rien. Tu veux vraiment lui avoir coûté 20 000 cris ? Hmm ? Non ? Quoi ? Pas ta responsabilité ? Ah mais si je me retrouve coincé ici et qu'on se fait tous descendre, si si, ça le sera ! Quoi ? Pas l'autorité nécessaire ? Bon, écoute, on va faire simple. Tu ne vas pas autoriser mon décollage, ok ? Je vais décoller de mon propre chef, en contradiction totale avec les ordres et je vais vous sauver le cul. Et toi tu vas être impuissant à me stopper à cause de tout ce merdier. Donc, toi, c'est pas ta faute, ils peuvent rien te reprocher, moi j'ai fait mon taff et j'ai mérité mon salaire. Paf, tout le monde est content. Allez, dégage la piste, y'a de l'Horusien à descendre. Et plus de difficultés ou je te jure que tu vas te prendre un putain de savon. Les temps sont durs pour l'Alliance, il est pas question de se priver d'un quelconque soutien. Allez, fais ton putain de taff et laisse-moi faire le mien."

Le pirate tente de retourner à son vaisseau, de le faire décoller et partir de ce putain de bordel.

En espérant que son bluff a réussi.

Et c'est le cas. Bien qu'il laisse une bande de techniciens éberlués derrière lui, le pirate n'a aucun mal à décoller, et encore moins à prendre le large. Ce qui lui semble d'ailleurs étrange, mais pas suffisamment pour l'arrêter. Alors que les portes des hangars se referment, barrant toute possibilité de retraite, le Pigeon Century prend rapidement de la vitesse.
Personne ne lui tire dessus: le vaisseau horusien est trop occupé à fuir, alors que le Palmares s'approche de l'atmosphère brûlante de Venori-Dela.

"Capitaine. Intervient soudain Jacky. Il y a une sorte de...Problème...Euh...Attendez...Je me sens tout drôle...Dans quelle galaxie est située la Terre? La Terre? Wahouf!"

Et le droïde tombe en panne, brusquement, sous les yeux sidérés de Lorelei. Elle les détourne bien vite vers le tableau de bord, et tous les voyants qui s'affolent. Les radars s'emballent, le vaisseau tremble de toutes parts, comme s'il allait être compressé, et envoie à Ban une violente décharge électrique qui le force à lâcher les commandes. Avant de rendre l'âme, l'ordinateur de bord indique la présence d'une énergie terrifiante à la surface de la planète, gouvernant une zone immense et circulaire. En son centre, le métal froid et mort d'une structure spatiale de la taille d'une petite lune.
L'étourdissement n'empêche pas à Ban de ressentir la douleur qui s'insinue dans son bras, partant de la Marque d'Andante pour remonter vers l'épaule, comme une sonnette d'alarme qui lui ordonne de réagir. Il sait d'instinct qu'il n'est pas trop tard pour empêcher son vaisseau d'aller se crasher à cet endroit. Très vite, Pinko et Lorelei, assaillies par de terribles migraines, portent leurs mains à leurs têtes en hurlant. La rehorith se tourne vers Ban et parvient à articuler, dans un cri:

"Le Cercle! Il nous attire!"

Tout ce que le pirate sait, au fond de lui, c'est qu'il doit à tout prix changer de trajectoire. L'énergie titanesque qui gronde dans le désert semble les happer lentement, irrémédiablement, et dérègle tous les systèmes électroniques environnants.
C'est certain, ils vont s'écraser, mais il ne faut surtout pas que ce soit au mauvais endroit!

Le pirate ne perd pas un instant et bondit jusqu'à la paroi la plus proche, posant sa paume dessus, fermant les yeux et faisant courir son pouvoir à travers son vaisseau. Mesure désespérée s'il en est. La seule raison pour laquelle le pirate y parvient est qu'il connaît littéralement son vaisseau comme sa poche. Et le prix pour convoquer des flammes nées de son âme sur une telle surface est démentiel. Et d'ailleurs...

Immédiatement, la douleur le prend, alors qu'il consume son âme pour faire jaillir ces flammes qui ne chauffent pas, ne blessent pas et ne font que brûler l'intervention du Cercle. C'est la seule méthode qu'il a trouvé pour combattre l'influence du Cercle et protéger la santé mentale de ses deux comparses -celle du robot, si jamais elle est corruptible, l'est déjà irrémédiablement. Avec un cri de douleur, de rage et avec une obstination sans borne, il se relève. Murmurant des paroles incompréhensibles tournant autour du fait qu'on le sous-estime toujours, qu'il va leur montrer de quoi il est capable et qu'il n'en a pas terminé avec tous ces connards. Le tout entrecoupé d'un rire fou saccadé, évidemment. Sous ces encourgement, et toujours sans lâcher la paroi du vaisseau, il se traîne tant bien que mal vers le panneau de contrôle.

"Accélération d'urgence. On quitte l'orbite de la planète."

Joignant le geste à la parole -littéralement, la douleur qui le prend et le taraude est telle qu'à ce point elle le rend presque incapable de penser et encore plus incapable d'agir tant qu'il ne se rappelle constamment ce qu'il est en train de faire- Ban enclenche donc l'accélération d'urgence dans une tentative désespérée de s'éloigner à temps de la planète, et dirige également son pouvoir vers les réacteurs, tentant de les allumer "manuellement" -si tant est que l'utilisation de pouvoirs psychiques puisse être considéré comme manuel.

Il tombe à terre peu après, sans lâcher la paroi et briser la barrière qu'il a élevé entre son équipage et l'influence du Cercle.