Zone 728-Y

"Tu as moins bu que les autres, pourtant tu avais le même rythme au début, alors pourquoi ils t'ont dépassé ? Parce que plus on boit plus on boit vite. Parce que l'alcool agit, nous enlève nos inhibitions, et nous fait oublier nos limites. Sauf que ton corps traite beaucoup plus vite l'alcool que dans un corps humain. Tu ne peux pas être saoule."

Le pirate a enlevé ses lunettes mais gardé son bandeau et il plonge son regard pénétrant dans les yeux de Danny.

"Alors, ça te suffit pour te convaincre que j'ai encore toute ma tête ? Mais c'est vrai, j'ai bu... Et j'oserai certainement pas te dire tout ça, surtout après ce qui s'est passé entre nous. Et... Je sais que c'est fou, je sais que c'est con... C'est... Certainement ce qui me tuera mais... Là, j'ai... Besoin, de te sentir contre moi."

Il écarte les bras, l'invitant. Il a fait le premier pas, mais il ne la forcera pas. Jamais. Elle a le droit de dire non, et il sait qu'elle n'aurait pas tord. Il est égoïste et en demande trop, mais lui aussi, en ce moment, est honnête.

Ses sentiments, habituellement cachés par sa folie, transparaissent clairement cette fois dans son oeil.

Doucement, avec délicatesse, les bras du pirate se glissent sur ses bras, puis passent délicatement dans son dos, l'enserrant dans une douce étreinte.

Il ne savait plus vraiment trop ce qu'il faisait, il était juste... Content. Satisfait.

"Tu vois, il n'y avait pas de quoi avoir peur..." Disait-il autant pour elle que pour lui-même.

Il la serra un tout petit peu plus fort. Son coeur battait. Depuis combien de temps n'avait-il pas senti la chaleur d'un autre être humain ? Pas seulement la chaleur physique mais... Egalement le récomfort, un lien affectif

Bien sûr, une autre chaleur, bien moins romantique, s'insinuait dans se tripes, mais il la tint à distance, profitant simplement de ce moment éclatant, entre chien et loup, le moment où l'accolade amicale et l'étreinte passionnée se rejoignaient avant de se dissocier de nouveau.

"Ca te fait le même effet qu'à moi ?" Demanda-t-il en faisant glisser la tête de Danny dans le creux de son cou.

Danny a tressailli quand les mains de Ban l'ont effleurée. Elle se laisse faire, silencieuse, un peu perdue. Lorsqu'il la serre plus fort, une nuée de frissons parcourent brusquement tout son corps, mais elle reste immobile, surprise et bercée par la tendresse que le pirate nourrit pour elle, cette douceur dont elle ne l'aurait jamais cru capable. Il a raison: ce n'est pas si terrible, elle trouve même cette étreinte agréable, et se détend un peu.
La voix de Ban qui résonne tout près de son oreille est une mélodie suave qui lui interdit de lutter, elle pose une joue sur son épaule, ferme un instant les yeux, puis prend le temps de répondre.

"Je...Je ne sais pas...Je ne suis pas dans ta tête..."

Ses propres mots et sa voix tremblante lui font comprendre que la question l'a un peu secouée. Troublée, elle se concentre sur ses émotions et s'inquiète de sentir une agréable chaleur lui chatouiller insidieusement le ventre. La panique la saisit totalement quand elle a subitement envie d'embrasser la gorge maintenant si près de ses lèvres. Elle se ressaisit dans un sursaut, et se redresse, glissant les deux mains sur le torse de Ban afin de s'écarter de lui.
Elle s'en veut de le trouver beau lorsque leurs regards s'accrochent, mais la douce euphorie ne retombe pas. Elle se mêle intensément à cette nouvelle peur qui grandit en elle, et lui ordonne de fuir.

"Restons-en là...D'accord?"

Pour l'instant? Ou pour toujours? Elle ne saurait le dire elle-même. Elle veut reculer, s'en aller, retourner dans le cockpit. Son regard fuit celui du pirate, instinctivement. Elle a honte.
Pourtant elle ne bouge pas, ne se dégage pas complètement. Elle ne veut pas le froisser et attend qu'il la libère, évitant à tout prix de tourner la tête vers lui, effrayée à l'idée de pouvoir ressentir les mêmes émotions une nouvelle fois.
Les choses sont déjà allées beaucoup trop loin pour elle.

"Rabat-joie..." Murmure-t-il alors qu'il glisse sa propre tête contre celle de Danny.

Vient-il de lui glisser un baiser sur la joue en douce ?!

Mais, déjà, la pression de ses bras a disparu, presque discrètement, un peu comme si elle n'avais jamais été là.

Et le pirate la laisse partir. Parce que ce n'est pas le moment d'être égoïste, parce qu'il en a déjà reçu plus qu'il n'avait osé l'espéré. Pourtant, alors que ses mains glissent sur le corps de Danny qui s'écarte, leur paumes se touchent, il ne l'agrippe pas mais pourtant, d'une manière ou d'une autre, sans y mettre de force, sans plus qu'une caresse, sans faire plus que glisser ses doigts dans les siens, il la retient. Il n'y a aucune force dans ce contact, aucune violence, il n'impose pas sa volonté. C'est juste une manière de dire "Je ne veux pas que tu partes" avec son corps.

"N'aie pas peur, il ne faut pas avoir peur de fuir, mais il ne faut pas non plus avoir peur de s'arrêter de courir... Là... tout va bien..."

Son regard cherche celui de sa partenaire, alors qu'il la réconforte comme un animal effrayé, avec un ton doux et bienveillant. Sauf que cette fois-ci l'effrayée comprend les mots qu'il raconte, contrairement à un animal. Ce qui rend la communication plus difficile dans ces cas-là, à vrai dire.

Il se tait alors un instant, lui laissant le temps de réagir. Il ne chercher pas à la forcer à quoi que ce soit et lui laisse le temps de faire ses choix sans la presser. Il est juste... Douloureusement honnête.

Danny se fige dans le couloir. Elle ose enfin relever les yeux vers Ban. Déchirée entre son instinct et sa volonté, elle tente de réunir ses forces pour être franche, lui dire ce qu'elle veut vraiment, mais les mots qui passent ses lèvres ne sont pas ceux qu'elle s'attendait à prononcer.

"Je ne peux pas...Ban..."

A travers ses yeux humides transparaissent toute l'angoisse, la souffrance et la peine qu'elle se donne tant de mal à contenir. Elle se sent désespérément cruelle, et cruellement désespérée. Si elle lâchait prise, rien qu'une fois...
Mais à quoi bon?
Dans quelques poignées d'heures, ils seront tous les deux arrivés à destination. Lon-Sicon les a réunis et les séparera sûrement. S'il ne s'agissait que de sexe, les choses seraient plus simples, mais Danny sent qu'il y a autre chose.
Ce qu'elle redoutait tant est arrivé: elle s'est attachée à quelqu'un!
Faire ses adieux aux personnes qu'elle aimait a toujours été l'une des épreuves les plus difficiles qu'elle ait eu à surmonter, et si elle laisse faire les choses, si elle se laisse entraîner dans la spirale infernale des sentiments, elle finira par en souffrir. Il suffirait qu'il se lasse d'elle, qu'il lui tourne le dos, qu'il reparte de son côté...Il suffirait qu'il meure, et....Cette certitude la tient au ventre avec une telle intensité qu'elle a du mal à revenir vers Ban et à poser une main sur sa joue.

"Je suis désolée..."

Elle demeure immobile quelques instants, sentant le poids des regrets commencer à peser sur son coeur, puis fait volte-face, et se dirige vers le cockpit.
Il lui en faudra, des bières, pour oublier ce rêve...

Ban essaye d'abord les yeux de chien battu, puis, alors qu'elle se détourne de lui, appelle doucement son nom.

"Danny..."

Non, il n'utilisera pas son vrai nom, il ne l'appellera pas Daniela. Elle ne l'y a pas autorisé et il ne dépassera pas l'autorité qu'elle lui a donné.

Il insiste, pour lui-même, bien sûr, mais aussi pour la forcer à faire son choix. La laisser partir, c'est la laisser fuir. Lui faire décider de partir, alors qu'on lui demande de rester, par contre, c'est un choix.

Il n'a pas envie de la laisser fuir... Ca n'amènera rien de bon. Il faut qu'elle soit capable d'affronter ce qui l'attend, pour qu'elle ne se laisse pas mourir bêtement.

Ca, et aussi le fait qu'il a VRAIMENT envie de coucher avec elle ce soir -même si le terme de soir est débile dans l'espace- pas avec une autre, mais ELLE.

Encore une fois, Danny s'arrête. Elle a toujours les yeux rivés vers le sol, et la gorge nouée. Comme une statue de cire, elle reste statique, hésitante. Son coeur est serré par la simple idée qu'elle est en train de manquer une chance de retrouver l'authenticité des émotions humaines. Elle pourrait pour une fois partager les draps d'un homme qui la traite avec un tant soit peu de déférence, même s'il ne l'a pas toujours fait. Elle pourrait le faire sans le moindre intérêt, sans chercher à obtenir autre chose qu'un peu de plaisir et d'attention, et en ressortir comblée. Mais rien à faire: penser que cela pourrait la mener à apprécier cet homme bien plus qu'elle le devrait la glace.
Seulement l'insistance de Ban l'a arrêtée dans sa fuite, et elle veut comprendre pourquoi. De la pitié? De la curiosité? Ou l'envie de lui céder? Etrangement, chercher une explication calme son angoisse. Et très vite, chercher une solution fait éclore en elle les germes d'une nouvelle détermination.
Elle comprend qu'elle est capable de mentir encore une fois, que rien ne la force à investir le moindre sentiment dans ce qui l'empêche de s'éloigner de Ban, qu'il ne peut s'agir que d'un bon moment partagé entre deux adultes consentants, dont ils assumeront les conséquences physiques. Elle sait qu'elle pourra faire le tri de ses émotions au moment propice: ce ne sera pas la première fois, et certainement pas la dernière. Il lui suffit de repenser aux mauvais moments qu'ils ont passés ensemble, à tout ce que Ban a pu lui dire qui l'empêchera pour toujours de croire en la sincérité de ses mots et de ses gestes, sans pour autant les laisser entamer son enthousiasme.
Ce n'est pas difficile. Ca ne l'a jamais été.
Les instincts les plus primaires n'ont jamais eu besoin de sentiments.
Elle se retourne, le visage encore marqué par les contradictions qui paralysaient son esprit quelques instants plus tôt, et commence à avancer vers le pirate, se laissant porter par cette chaleur qui lui tient toujours le ventre, par cette volonté de ne pas perdre sa chance.

"Midô Ban."

Le forban croit entendre la voix de sa conscience. A mesure que Danny se rapproche, le coeur battant de désir et d'excitation, les yeux s'emplissant d'une lueur décidée qui ne lui sied que trop bien, il a le sentiment que quelque chose cloche.

"Midô Ban."

Arrivé à sa hauteur, la jeune femme saisit ses mains et les pose contre sa taille, avant de glisser l'une des siennes dans son dos, et l'autre derrière sa nuque. Elle se colle en douceur contre lui et tend le cou, pour approcher son visage du sien.

"Midô Ban, soyez attentif!"

Il ne rêve pas, c'est bien la voix de One qui résonne dans son esprit. Mais avant qu'il n'y réagisse, la sensualité effarante de Danny occupe toutes ses pensées. Leurs lèvres se rapprochent, ils sont sur le point de franchir le premier stade d'une belle et longue escalade, mais au moment où Ban va fermer les yeux, il aperçoit le rehorith qui le fixe depuis l'entrée du couloir avec la froideur dérangeante qui le caractérise.

"Midô Ban!"

Danny sursaute en entendant sa voix, se séparant du pirate d'un grand pas sur le côté.

"Il y a une fuite d'Eresonium à bâbord. Hawk McKinley s'est endormi, vous êtes donc le seul à pouvoir la régler. Vous devez revêtir une combinaison et vous en charger immédiatement où nous n'irons jamais jusqu'à Klova."